Même si le Japon n'a pas eu exactement le même impact sur tous les architectes occidentaux, la place qu'il a prise dans l'activité de chacun d'eux est non négligeable. L'étude systématique, mais limitée aux architectes reconnus pour avoir participé d'une façon prépondérante à la naissance de l'Architecture Moderne en Occident, des relations qu'ils ont effectivement entretenues avec le Japon révèle une présence constante de ce pays dans leurs préoccupations.
Le Japon se trouve ainsi compris au coeur même de l'évolution de ce courant architectural; et les tendances aussi divergentes et même contradictoires que celles qui se sont développées en Europe et aux Etats-Unis au cours du premier quart du XXème siècle (l'Architecture Art Nouveau, l'Architecture Organique, le purisme, le fonctionnalisme ...) se trouvent toutes en étroite relation avec l'architecture traditionnelle japonaise. Aucun des architectes ayant développé ces théories, sincèrement persuadé du bien-fondé des pensées qu'il défendait, n'était, à sa manière, éloigné du Japon, y percevant ce qui l'attirait.
L'architecture traditionnelle japonaise possède donc suffisamment de qualités essentielles, esthétiques ou de construction, pour être capable de nourrir des concepts architecturaux divergents. C'est l'essence même de l'architecture japonaise qui est concernée.
Il ne s'agit plus d'évoquer cette vision exotique du Japon, que la mode du japonisme développée à partir du milieu du XIXème siècle avait engendrée non seulement dans les arts mais aussi en architecture. Les aménagements d'intérieurs "à la japonaise" encombrés d'objets extrême-orientaux (ceux de W.Godwin), ni même les imitations ou les répliques de constructions japonaises, aussi fidèles à leur modèle qu'elles soient (la maison de Hugues Krafft - Chronologie 1891; les jardins d'Albert Kahn - Chronologie 1898) ne représentent une évolution dans le processus de "modernisation de l'architecture occidentale". Même si ces différents essais traduisent une ouverture d'esprit sur ce qui provenait du Japon, ils n'en restent pas moins qu'une illustration pittoresque.
Il s'agit bien, en revanche,
de dégager ces qualités essentielles qui caractérisent
l'architecture traditionnelle japonaise et de comprendre en quoi elles
pouvaient devenir un modèle de référence pour les
architectes occidentaux au moment même où ils étaient
à la recherche de principes nouveaux en rupture radicale avec leur
propre tradition et culture architecturales. D'après Charles Jencks:
(...) Le modernisme architectural est en réalité le traditionalisme japonais en vêtements nouveaux."(1)
Ces analogies se trouvent développées selon des thèmes relatifs à l'ornementation, aux modes de conception de l'espace, aux principes constructifs et aux pratiques qui en découlent. Ces thèmes développés sont ceux devenus caractéristiques de l'architecture moderne, au sens le plus global du terme, c'est à dire, le débat des tendances écarté, au sens où d'une façon contemporaine et novatrice qui lui est propre, elle s'éloigne d'une tradition jusque là respectée; ils se trouvent ainsi ordonnés, selon une évolution approximativement chronologique qui suit les différents apports de l'influence.
Ces thèmes ne sont
plus uniquement illustrés par les oeuvres des théoriciens
ou praticiens de la première heure (voir la Place du Japon dans
l'Activité architecturale en Occident.), mais plus généralement
par des réalisations d'architectes, même plus contemporains,
qui respectent, par leur architecture, l'esprit de leurs précurseurs.